samedi 26 décembre 2009

Go on home

Pour tout vous dire, j'ai toujours resenti une fascination malsaine envers l'histoire contemporaine de l'Irlande du Nord, ces 6 malheureux comtés dont on ne parle pratiquement, du moins depuis que je suis en âge de comprendre les infos, que pour des raisons abjectes : attentat à la bombe, assassinat sectaire ou tube de Michel Sardou...Réunir sur un si petit territoire autant d'horreurs et de bonnes bières, ça tient quand même de l'exploit. Et ce n'est pas le militant loyaliste de base qui me contredira, je pense^^
Comme à leur triste habitude, les médias français ont longtemps eu à coeur de présenter le conflit nord-irlandais comme un drame obscur, causé principalement par des attitudes primitives liées à la religion et à une certaine imperméabilité du Volksgeist irlandais à la psychanalyse...
C'est un peu court, je trouve...Passer ainsi sous silence 8 siècles d'occupation et d'oppression britannique, ça sent l'analyse poussée. Journaliste un jour, limité toujours.





Pour résumer les faits,
les 6 comtés de l'Irlande du Nord n'ont pas été séparés du Royaume-Uni depuis la partition de l'Irlande lors du Traité mettant fin à la guerre de libération, initiée par l'insurrection nationaliste des Pâques 1916. Alors que dans les 26 comtés constituant l'Eire ( Irlande du Sud, quoi^^), la communauté protestante n'a jamais fait l'objet de discriminations, d'intimidations voire de violences physiques allant jusqu'à l'assassinat pur et simple, ce ne fut pas le cas dans le Nord où, sous l'influence de la Loge d'Orange ( ordre maçonnique particulièrement réactionnaire...), les pouvoirs publics ont longtemps considéré les Catholiques comme un ennemi de l'intérieur et l'ont traité comme tel. Car il est toujours bon d'avoir un ennemi à désigner à "ses" prolétaires quand on veut maintenir les privilèges d'une oligarchie sectaire et ne pas finir la semaine, à Londres, à poil dans le caniveau, une main devant, une main derrière...

Le républicains progressiste catholique de base est plutôt "de gauche"...Même s'il va à la messe^^Même si ses "Men of' 98" à lui étaient pour beaucoup protestants, bien qu'acquis aux thèses de la Révolution française... On oublie aussi souvent que durant la Guerre d'Espagne , la Brigade James Connolly, composée essentiellement d'Irlandais, catholiques et protestants mêlés, a combattu Franco, Hitler et Mussolini sous les ordres de Staline^^. Les conseils du vieux Gladstone ; qui pensait que si jamais l'on faisait d'un Irlandais, on en ferait un Conservateur ; n'ayant été que moyennement suivis par le pouvoir exécutif local, longtemps exclusivement orangiste, le prolétariat local était volontiers aussi frondeur que le Patronat britannique était réactionnaire ...Le comble fut même atteint dans les années 30 quand l'IRA comptait jusqu'à plusieurs dizaines de membres protestants à Belfast... La Seconde Guerre mondiale mit tout le monde d'accord, les membres de l'IRA furent mis en tôle au sud, pendus au nord et les autres Irlandais du Nord partirent combattre Rommel...En 1945, les tôlards républicains étaient libre avec la tuberculose et les Anciens Combattants loyalistes plein de médailles et de stocks d'armes à feu^^Cet arrangement mutuel repoussa du même coup l'expiration d'une trève fragile jusqu'à la fin des années 60...




Quand sous l'influence délétère de la pop-music, des cheveux longs et d'une dialectique marxiste adaptée au crachin local, les baby-boomers catholiques se mirent à prendre conscience qu'ils avaient malgré tout quelques droits civiques...
Inutile de dire qu'ils furent bien reçus...Tout le monde a entendu parler du Bloody Sunday. Même U2, c'est dire^^Qu'en dire de plus ? A part que cet "incident" restera à jamais comme la meilleure campagne de recrutement de l'Ira-provisoire, ainsi nommée pour la distinguer de l'IRA-officielle, un tantinet vieux jeu et ayant eu le tort fatal de renoncer très vite à la lutte armée au grand dam des énervés juvéniles...
(...)
Les Orangistes seraient, soit-disant, plutôt "de droite". Pour les plus allumés du bulbe d'entre-eux ils le sont grave...De droite^^. Billy Wright, pour ne citer qu'un exemple parmi beaucoup trop, c'était à la fois Hitler côté politique,Hannibal Lecter niveau méthodologie et Francis Heaulme pour le côté inventif...Niveau richesse humaine, je veux dire, une pointure...Avant qu'il ne soit brutalement rappelé à Dieu ( garantie non contractuelle, remarque, vu le CV...), zigouillé dans sa prison par deux membres de l'INLA, qui avaient réussi, on ne sait comment, à faire rentrer des armes à feu dans leur cellule...Un putain de croquemitaine, le Billy Wright...Sa mort arrangeait tout le monde, y compris ( voire surtout...) ses "amis" protestants...Amis sans doute ravis d'être aussi opportunément libérés d'une relation de travail impliquée dans au moins 165 homicides au moment où les Accords de Stormont allaient leur permettre de passer de la culture politique de la voiture piégée à celle du détournements de fonds européens...Hé oui, les maniaques sectaires peuvent avoir des sursauts d'humanisme, parfois^^
De son côté, le Catholique-lambda, lorsqu'il est de sensibilité révolutionnaire, conscient d'être à la fois le premier et le dernier colonisé par la Grande-Bretagne et ne pouvant généralement pas faire l'économie de le faire savoir en le geulant, instruments de musique en mains, à qui veut l'entendre dès qu'il peut s'abriter dans un débit de boissons^^,il ne peut s'empêcher de vouloir lier sa cause à celle des Damnés de la Terre dans les opinions publiques étrangères...Aujourd'hui, la Palestine a remplacé Nelson Mandela ou Che Guevara dans l'iconographie murale si typique de ces riantes contrées. Tout le monde ici est au courant que la mère du Che, née Lynch était irlandaise mais que par contre Mandela continue de nier farouchement tout lien de parenté avec Thierry Henry^^Sorte d'idole tribalo-grungo-celto-gauchiste, Bobby Sands reste le seul symbole mondialement connu de la Cause irlandaise, le Martyr suprême en pattes d'éph', le combattant et le poète...Le Leprechaun-Fedayin coiffé comme Mike Brandt...Une Icône-Pop...Le Iggy Pop du Kalashnikov^^ Décédé en affrontant volontairement, avec 9 autres détenus républicains, la plus lente et la plus douloureuse des morts, par grève de la faim et faisant découvrir ainsi au monde entier le fair-play devenu depuis légendaire du gouvernement britannique de Margaret Thatcher ; sympathique autocrate sadique, qui laissera sans sourciller mourir 10 êtres humains pour le simple plaisir de leur refuser la liberté d'association au sein de leur prison...Faut dire que Bobby et ses potes n'étaient pas des demi-sels non plus...Pas exactement le genre à tendre l'autre joue s'il se prend une caillasse, une cannette ou une balle en plastique sur le museau à la sortie de la messe par des types qui chantent le "God save the Queen"^^Plutôt le style à aller porter leurs doléances chez Khadafi plutôt qu'aux Prud'hommes, les lascards...Faut pas rêver non plus...L'Ira et ses multiples dissidences n'ont jamais été objectivement considérées comme offrant à l'admiration du monde des prouesses dignes de la quintessence des organisations caritatives. Très souvent même des conflits de personnes ont donné lieu à des fractionnements sanglants de l'organisation clandestine...Avec évidemment, à chaque fois, des réglements de compte impitoyables entre militant d'une même cause, suivis d'une compétition publicitaire dans les médias, amenant à une radicalisation dans les opérations qui a culminé avec le massacre d'Omagh en 1997... Le drame de laisser des armes de guerres, des crétins et des problèmes sociaux non résolus dans la nature^^On ne dira jamais assez l'influence de ces trois facteurs sur l'augmentation du taux d'homicides dans un pays. Spécialement un pays où on peint sur ses propres murs des fresques à la gloire de ses batailles, de son drapeau et de ses martyrs. Le "mural", sorte de barbouillage improbable où le kitsch se pacse avec le tragique en un fascisme iconographique digne d'un Elton John en Chemise noire...
(...)
Depuis les années 80, l'IRA de Papa, qui donnait jadis ses consignes en clair et par écrit, s'est muée en une organisation terroriste moderne fortement hiérarchisée ( d'où sans doute une cause de ruptures violentes et définitives entre courants...Le caractères irlandais ne goûtant guère les fantaisies tatillonnes d'une direction militaire), cloisonnée à l'extrème et planifiant longtemps à l'avance les "opérations offensives". Une machine froide... La nébuleuse des groupes paramilitaires loyalistes, plus ou moins infiltrés par la police et/ou les services secrets britanniques, semble être, elle, plutôt constituée d'abrutis amateurs de bière, de country-music et d'armes à feu, agissant dans la confusion, l'arbitraire et la violence sectaire la plus extrême...Les Shankills Butchers en sont à jamais les symboles, la famille Charles Manson du Loyalisme armé...Ce n'est pas pour rien qu'au début des années 2000, Belfast était un des endroits les plus dangereux d'Europe pour les Immigrés extra-européens. Chaque groupuscule d'auto-défense des quartiers loyalistes ; libre association composée en général de chômeurs, dealers et/ou fans des Glasgow Rangers, se retrouvant autour d'une saine et commune passion de la Bière ; se comportait le jour comme une troupe de SA jovialement déshinibée par l'abus d'alcool et la nuit, comme des Escadrons de la Mort de proximité...Des électrons libres confits dans la haine, l'alcool et le désoeuvrement minant qu'infligent généralement les Cessez-le-Feu aux hommes d'actions...
Finalement, c'est certainement ça qui me fascine dans ce conflit, cette "plénitude" de la connerie humaine dans ce qu'elle a de plus irrémédiablement désespérant. Allons bon, des Chrétiens blancs anglophones capables de mettre des bombes dans les cinémas, devant des commerces le samedi, d'abattre de sang-froid des travailleurs ou des manifestants désarmés, d'incendier la maison de son voisin et de caillasser leur gosses, ça n'existe pas, voyons, ça n'existe pas...

Et pourtant...(*)
(*) : by courtesy of Gérard Majax^^











( en cours...)

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